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Les pensées intimes d'Elsa

Dans ma dernière nouvelle Éclats de Grâce, Elsa vit une relation complexe avec sa mère. Une de ces relations qui fait que l'on est mature, même à 17 ans.

Voici un texte écrit dans le cadre de la préparation de ma nouvelle ( jamais présent dans le texte final) qui m'a permis d'explorer leur relation.

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"... Je m’en voulais un peu de ne pas lui livrer ma vérité, mais pas tant que ça. Notre relation mère-fille, un peu bancale, ne le permettait pas. Et de toute façon, elle aurait fini par écourter la discussion ou parler d’autre chose. À la peine que me provoquait cette situation, je n’avais pas besoin d’y ajouter celle, bien familière, de me sentir annulée par la femme qui m’avait donné le jour.

Pour une raison qui m’échappait, le lien qui nous unissait n’était pas ce qu’il aurait pu être, ou tout du moins, ce que j’aurais souhaité qu’il soit… Et c’était très douloureux pour moi. J’avais fini par intégrer de façon insidieuse que cela venait de moi, car ce n’était pas le cas avec mon père, ses amies, ou le reste de la famille. Ils discutaient de tout et de rien, souvent, longtemps… Pour nous et bien, nous ne savions pas faire je dois reconnaitre.


A cela s’ajoutait la maîtrise totale de ses émotions. Sa vie l’avait amenée à ne jamais s’appesantir sur ce qu’elle ressentait. Avec le recul j’avais compris et accepté qu’elle soit comme ça, voire même intégré qu’elle pensait bien faire en me conduisant dans ses pas. Mais la souffrance provoquée par sa volonté farouche de m’imposer cette façon d’être était profonde… Je m’étais sentie toute ma petite enfance anormale, faible. J’avais du faire des efforts permanents pour rejeter qui j’étais, ce que j’éprouvais et coller à ce qu'elle attendait de moi. Moi qui n’étais que sentiments, émotions, ressentis et questionnements, il m’avait fallu lutter pour ne pas me laisser envahir et de ce fait, trahir en permanence ce qui me constituait. Car tout ceci n’était pas bienvenu…

J’avais l’impression de représenter tout ce contre quoi elle avait intimement lutté toutes ces années. Mais je m’était sentie alors si petite, si seule… Comme aujourd’hui encore, à la frontière de ma vie d'adulte.

Comment se gorger d’estime et de confiance lorsque l’on n’est pas accueillie telle que l’on est? Comment savoir qui l’on est lorsque l’on doit sans cesse en être une autre? Comment penser, même, que l’on a le droit d’exister?

Elle était vraiment aimante et aurait fait n’importe quoi pour moi, mais elle avait en elle une sorte de rudesse, de dureté qui contaminait tout le reste.

Cela lui avait procuré par contre beaucoup de force. Et sa capacité phénoménale à gérer la vie qui avait été la sienne, forçait le respect. Je m’étais même mis un peu la pression, me disant que je ne lui arriverais jamais à la cheville, alors qu’une autre partie de moi luttait férocement, me criant intérieurement de ne pas être la même qu’elle… Ce qu’elle avait réalisé, supporté, inventé pour avancer sur le chemin plutôt chaotique que la vie avait imposé à mes parents, faisait d’elle une femme exceptionnelle. Elle semblait toujours pleine d’entrain, positive, créative mais on la sentait détachée des choses et des gens, comme imperméable. Oui, hermétique, j’avais une mère génération Tupperware… Robuste, inusable, performante mais totalement hermétique.


J’avais profondément conscience que tout ceci n’était qu’apparence et que son château de cartes, solide au possible à bien des égards, ne résisterait pas au souffle léger de l’authenticité… Je n’avais à lui offrir aujourd’hui, malgré ma peine, que mon amour et le respect de la vigueur avec laquelle elle contrait toute possibilité d’impact émotionnel, même de la part de sa propre fille."




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