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Inaliénable


Diane de Man

C’est ce à quoi je pense lorsque mon esprit s’évade vers la Liberté. Inaliénable. Immortelle, incessible, incommutable, invendable, inviolable, sacrée…C’est un mot d’une grande beauté je trouve, poétique et chantant. Liberté, liberté!!

Il trône fièrement en première place de notre devise républicaine, et pourtant...


Il est saccagé, mis à terre, dans un grand fracas, et à la fois dans le silence d’une horreur sans nom aux quatre coins du globe, mais aussi en France, ces deux dernières années. Comme pour nous rappeler très amèrement que ce n’est plus juste un reportage du 20H, parlant d’une histoire lointaine pendant que l’on dîne tranquillement, comme pour nous rappeler que nous aussi, nous pouvons être touchés en plein coeur.

Mais nul besoin d'aller si loin, car si l'on y regarde de plus près, la liberté est aussi mis à mal dans cette vie de tous les jours, dans ce quotidien qui l'égratigne parfois jusqu'à la chair. Dans une société de communication et de consommation qui semble prôner l'abrutissement de masse plutôt qu'une véritable ouverture, dans une société de servitudes tellement intégrées au paysage que cela en devient presque normal, qu'elles soient professionnelles, sociales, familiales. Cette gangrène contamine même parfois ce que nous avons de plus cher, notre intimité.


La Liberté est un vaste sujet, universel et intemporel. Beaucoup d’encre, de salives mais aussi de sang ont coulés depuis des millénaires. Ce concept préoccupait déjà les premiers philosophes à l’Antiquité bien que ce soit les Modernes qui l'aient mis au centre de leurs réflexions.

Mais que veut-elle dire? Existe-t-elle vraiment? Peut-on réellement la posséder? Rêve ou réalité?


En premier lieu, elle se définit comme le fait de ne pas être soumis à une contrainte. Bien qu’il soit possible de penser que potentiellement nous pourrions toujours faire ce que nous souhaitons, la liberté, dans son essence la plus pure, parait totalement irréalisable puisqu’il existe une quantité infinie de choses auxquelles nous ne pouvons nous soustraire, à commencer par les lois de l’univers. Sommes-nous donc véritablement libres? Ou est-ce bien cela sa véritable définition?


Sartre nous affirme pourtant que « l’homme est condamné à la liberté » puisqu’il ne cesse de choisir et que de part son essence indéterminée, il ne peut en être autrement, possédant la capacité de se transformer indéfiniment. Le point de départ se trouverait donc dans le pouvoir de dire non qui, soit dit en passant, s’expérimente fortement vers l’âge de deux ans, période donc primordiale d'affirmation! En effet, l’homme conquiert son indépendance en s’opposant à son environnement, en restant libre de réagir à son destin. La liberté ne peut donc uniquement se restreindre à l’absence de contraintes. Pour s’exercer correctement, elle nécessite la raison, la volonté éclairée, pour affirmer son libre-arbitre. Dans le roman sur lequel je travaille actuellement, je défends le point de vue suivant: « La liberté ce n’est pas ne pas avoir de liens , mais choisir ceux que l’on a. » J’ai découvert sans surprise en travaillant sur ce sujet, une phrase très similaire de Paul Coelho : « La liberté ce n’est pas l’absence d’engagement mais la capacité de choisir » ainsi qu'une de Sartre: "La liberté c'est de choisir ses contraintes." Tout ceci me confirme bien que tout est affaire de responsabilité et de choix. C'est pour cela que par nature, seul l'Homme peut être considéré comme libre, puisque les animaux agissent principalement par instinct et ne sont donc pas aptes à choisir en toute conscience.


L’histoire se corse ensuite vraiment lorsque l’on saisit que toutes les libertés ne se situent pas sur le même plan, libertés fondamentales versus libertés de plaisir. Bien qu'une hiérarchie soit possible, une liberté ne reste-t-elle pas une liberté? Il apparait ensuite que certaines libertés ne sont pas compatibles, qu'elles s’opposent même et surtout enfin, que le respect de la liberté d’autrui, venant parfois se mettre face à la nôtre, est la règle de base.


Jean-Jacques Rousseau affirmait en 1764, "Il n'y a point de liberté sans lois." Effectivement, la déclaration des droits de l’homme et la justice, bien que bridant certaines libertés, en protègent d’autres bien plus essentielles. Trancher et déterminer de grandes règles pour la communauté a été nécessaire afin de temporiser un désir de liberté individuelle qui s'exprime, car très naturellement celle qui prime pour chacun, concerne ce que chacun peut désirer. La liberté du Vouloir nous incite à agir non pas pour l’acte en lui-même mais pour ce que cela nous procure, devenant alors prisonniers de nos désirs. John Locke, affirmait déjà en 1690 que « La plus grande perfection de la liberté consiste à maîtriser ses propres passions.”

L’illusion d’un monde de liberté est donc bien réelle puisque nous ne pouvons pas tout obtenir, en toutes circonstances. Sans oublier qu'actuellement, du fait des différences socio-économiques, ce monde ne permet pas un accès égalitaire à chaque citoyen sur le plan des libertés.


Plus j'avance en écrivant ces lignes, plus le sentiment qui monte en moi est, que le plus grand danger pour la liberté, c'est de vouloir la posséder à tout prix. Comme si cela pouvait l’anéantir. Je repense alors à une citation que j’ai lu il y a quelques temps, « La liberté n’a pas de plus mortelle ennemie qu’elle même » Amédée Pichot, 1848.


La liberté n'est-elle pas plutôt alors un choix éclairé? Une attitude à tendre vers, plus qu'une réalité vécue, bien au delà d'une volonté brute de vouloir, de pouvoir? Comment tenter, chacun, de décider en accord avec ce qui nous entoure, de devenir malgré tout actif et non passif pour vivre notre vie et nous réaliser pleinement?


"La liberté c’est la possibilité d’être et non l’obligation d’être"

René Magritte

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