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Le retour du cavalier

Un texte écrit par Diane de Man

 

Ce matin était comme tous les autres. Le soleil brillait sur la campagne et les oiseaux chantaient. Le cavalier noir était en route pour rentrer chez lui après la grande campagne du Roi. Ils avaient gagné, remportant fièrement cette victoire après toutes ces années de combat. Il rentrait enfin, il avait tant rêvé cet instant.

Un souffle de vent vint lui chatouiller les narines, emportant avec lui les odeurs de l’herbe encore humide. Le souffle s’intensifia, se mettant à tournoyer, emportant les feuilles, les petites branches sur son passage. Un éclair coupa le ciel en deux, touchant la roche se situant à quelques centaines de mètres du cavalier noir. La pierre explosa dans un vacarme étourdissant. Le cheval du cavalier se cabra, le mettant à terre.

 

Abasourdi par ce cataclysme, Rohan, le cavalier se releva d’un bond, prêt à agir si besoin. Le calme était revenu et au milieu des débris de roche, une porte ancestrale en pierre dorée se dessinait. Elle semblait faite en os car elle était surmontée d’une sculpture représentant les côtes d’un homme. Rohan s’approcha prudemment. L’odeur tenace de deux silex qu’on venait de frotter envahissait tout l’espace. Il posa timidement sa main sur la pierre, elle était encore tiède sous l’impact de l’éclair. Il s’approcha alors du pylône de droite sur lequel se trouvait une inscription. C’était dans une langue ancienne peu usitée. Rohan avait eu la chance d’être élevé par une nourrice dont le mari était le précepteur du comté. Il avait reçu un bon enseignement.

« Qui osera traverser la porte de Gaïa, trouvera le plus grand trésor, celui qui mène au bonheur. Toutes les épreuves il faudra réussir ou alors se perdre à tout jamais. »

 

Rohan n’hésita pas longtemps. Si, en plus des honneurs, il pouvait rentrer avec un trésor, sa vie serait parfaite. Sans plus y réfléchir, il traversa la porte. À peine de l’autre côté, le paysage se transforma, laissant place à des bâtiments informes, remplis de carrés lumineux, empilés les uns sur les autres, sur une hauteur de trois châteaux au moins. On aurait dit des tours qui s’empilaient les unes à côtés de autres. Une machine extraordinaire s’approcha de lui, hurlant un bruit infernal de son ventre et aboyant comme une corne de brume. Ses yeux lumineux projetaient des rayons qui l’aveuglaient. Soudain toute une légion fantôme de ses machines fonça sur lui, l’obligeant à sauter de droite à gauche, lui faisant faire un gymkhana au milieu de ce tumulte sans fin.

 

Rohan finit par sortir de là, se retrouvant perdu dans cet univers inconnu. Il ne comprenait pas où il était, ce qu’il allait devoir affronter pour trouver ce fameux trésor. Et puis, existait-il vraiment? En avait-il besoin? Pourquoi avoir encore voulu mener cette bataille? Celle de plus, celle de trop?

La nuit envahissait tout. Une pluie fine tombait sur son armure qui ce soir pesait très lourd sur ses épaules. Il marchait seul, sans but. Pourrait-il revenir en arrière? Repasser cette porte à allure de cage thoracique? Sortir de cette prison qui, sans la connaitre, semblait humaine? Etait-il prisonnier de lui-même? De son désir d’avoir voulu encore mener ce combat? Prouver encore et toujours sa valeur?

 

Au détour du chemin, il rencontra une vieille femme qui marchait recourbée sur sa canne.

- Vieille Dame, que fais-tu seule dans la nuit? As-tu besoin d’aide?

Elle se retourna d’un geste leste, faisant tomber la cape qui la recouvrait. Face à Rohan, une magnifique femme se dressait, drapée d’une longue robe. Un linge blanc recouvrait sa tête et ses yeux mais son nez fin et ses magnifiques lèvres ourlées confirmèrent à Rohan sa  splendeur. Hypnotisé par sa beauté, Rohan voulut la découvrir pour voir ses yeux. Elle attrapa soudain sa main, l’immobilisant un instant. Un son fin et délicat fendit l’air.

- Tu ne dois pas me voir.

- Mais, pourquoi? C’est toi mon trésor! J’en suis sûr! Tu es ma dernière conquête, ma dernière victoire. Celle qui manque à mon tableau de chasse!

- Non, tu ne dois pas! Tu risques un grand danger!

- Lequel?

- Je ne sais pas. Il dépend de toi, de ce qu’il y a en toi, de ta plus grande peur.

 

Rohan hésita un instant, puis totalement aveuglé par la beauté de cette femme et désirant la posséder plus que tout, souleva le tissu blanc qui couvrait sa tête.

Dans l’instant, ses cheveux blonds dorés se mirent à bouger et à se transformer. Leurs  tiges de soie couleur blé s’épaissirent, devenant dures et virant au brun foncé. Une multitude de branches de bois ornaient désormais son crâne, dressées vers le ciel. Totalement ahuri par ce spectacle, Rohan recula d’un pas.

- Mais..Mais qui es-tu?!

- Regarde mes yeux, regarde bien au fond et tu le sauras.

Rohan sans réfléchir plongea alors son regard au plus profond du sien. Ses yeux étaient comme un miroir car il ne vit que son visage. Puis d’un coup son reflet lui sourit, ouvrant de gros yeux ronds. Il se mit ensuite à ricaner, se couvrant la bouche pour ne pas éclater de rire, montrant Rohan du doigt tout en continuant de se moquer. Il se mit alors à danser, à faire des bonds et des cabrioles.

 

Fou, cet homme était complètement fou! Rohan n’avait pas fini de parler que d’un coup il entendit du bruit derrière lui. Il se retourna et vit toute l’assemblée de son village autour de lui qui souriaient, riaient en tapant dans les mains. Il se sentit soulagé.

- Allez Rohan! Vas-y, continue de nous amuser! Rohan le fou!! Allez! Te fais pas prier!

Surpris, il se retourna de nouveau et se retrouva face à la fenêtre d’une maison derrière lui. Elle lui renvoya le reflet d’un mendiant vêtu des vestiges de ce que fut autrefois l’apparat d’un fier cavalier noir de la garde du Roi. Un large sourire vide illuminait son visage.

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