Un homme debout
- solifleur
- 1 janv. 2017
- 4 min de lecture

Cette chanson de Claudio Capéo a envahit les ondes radio depuis quelques mois déjà, et je ne peux m'empêcher à chaque fois de penser à mon ami Damien. En avril dernier, la vie l'a soumis à une très rude épreuve, il a perdu une jambe.
Il a fait mentir tous les pronostics des médecins, et une fois sorti d'affaire, a explosé tous les records en terme de rééducation. Il s'est battu comme un lion. Quand je le regarde aujourd'hui, monter sur une jambe à l'escabeau pour découper son encadrement de porte afin d'éviter d'accrocher le miroir avec la roue de son fauteuil, aller chercher à pieds ses enfants à l'école qui se trouve à plus d'un km de chez lui, bricoler ses béquilles de compétition en vue du triathlon handisport auquel il a prévu de participer en septembre prochain car il ne fera pas la partie course à pied en fauteuil mais debout (5 km), je mesure l'enseignement qu'il a reçu par la force des choses. Il le transmet silencieusement, avec le sourire et toute la gentillesse qui est la sienne, certainement inconscient du message véhiculé par sa force de vie.
Je sais que cela n'a pas été simple et que cela ne le sera certainement jamais vraiment. Qu'il a fallu gagner petite victoire après petite victoire, accepter, combattre le doute, la douleur et la peur. Faire un premier pas puis un autre. Bob Marley disait, "Tu ne sais jamais à quel point tu es fort jusqu'au jour où être fort reste la seule option." C'est si juste, mais je crois que la notion essentielle demeure le courage. De se battre, d'être soi, quoi qu'il en coûte. Car il aurait pu aussi décider d'abandonner et de se laisser glisser.
J'ai vu il y a quelques semaines un très joli film tiré d'une histoire vraie, "le voyage de Fanny". Il raconte l'histoire d'un groupe d'enfants juifs au cours de la seconde guerre mondiale qui, tentant de passer en suisse, se retrouvent seuls pour faire le chemin. Et cette petite Fanny, du haut de ses 12 ans, va mener tout ce petit monde à destination, malgré les obstacles, ses doutes et sa peur.
Le courage. Ce mot résonne fort autour de nous. J'ai le sentiment qu'à lui seul il nous impressionne parfois plus que le fait d'être courageux au final. Il parait véhiculer une composante "romantique" liée aux contes de notre enfance, faits de chevaliers et de dragons. Comme si le courage semblait reservé aux véritables héros, seuls capables d'embrasser un tel destin, de flirter avec la mort puisqu'il s'agit bien de cela, terrasser le dragon au risque de sa vie. Courage ou témérité?
J'aime à croire qu'il existe une autre forme de courage. Une, qui ferait de nous tous les héros de notre quotidien. Pour beaucoup confrontés un jour ou l'autre, enfant ou adulte lors de petits événements ou de grandes situations, au fait de surmonter notre peur, nous n'avons malgré tout pas toujours un dragon à occire et une princesse à libérer!!
Il s'agit juste parfois d'oser déclarer sa flamme, affirmer son opinion en réunion, dormir sans veilleuse, danser devant une assemblée, parler à un inconnu, cliquer sur l'effrayant bouton bleu "publier" pour que votre post apparaisse dans un vertige...
Ce billet est une commande de mon coach en écriture pour m'aider à traverser une phase de doutes. Peut-on vraiment écrire sur le courage qui se définit simplement par "vertu qui surmonte la peur"? Je ne sais pas.. J'ai lu de nombreux textes et articles de philo, parcouru intégralement toutes les citations célèbres autour du courage, cherché des exemples parlants, pour tenter de le définir au mieux, mais surtout pour découvrir ce que j'espérais trouver. De nombreuses infos me sont parvenues mais je percevais que je ne les intégrais pas réellement en profondeur et que l'essentiel n'était pas là. Aussi, ai-je décidé de mettre en pratique et d'expérimenter des petits challenges. Au final, poussée par une sorte d'élan acquis au fur et à mesure que l'enjeu augmentait, j'ai réussi à me dépasser pour oser demander quelque chose d'important et de très personnel que je repoussais depuis des semaines et des semaines. Première constatation, il ne s'est rien passé de grave dans le fait d'avoir formulé ma demande. Deuxièmement, effectivement le fantasme dépasse la réalité et il m'a été bien plus facile de vivre le moment court et rapide de l'action en elle même que toute la période d'attente et d'hésitation qui l'a précédée. Enfin, j'ai survécu à la réponse négative que je craignais et qui est arrivée puisqu'au final, la seule chose qui me reste de cette expérience, c'est mon incertitude quant à l'impact du temps écoulé sur la réponse. Aurait-elle été différente si j'avais pu poser la question plus rapidement et non pas des mois après?
Je n'aurai pas de mode d'emploi à vous fournir suite à ce travail. Mon fantasme, en posséder un pour tous les gros problèmes existentiels, bien que je sache pertinemment que l'impermanence des situations et des gens rende cela impossible. Je crois que l'expérimentation est un excellent moyen de se confronter progressivement à nos peurs afin d'exorciser ce qui nous bloque, nous familiariser avec et progresser. L'idée n'étant pas de supprimer la peur mais d'apprendre à danser avec, yeux dans les yeux, comme la petite Fanny, comme mon ami Damien. Pour rester debout, rester soi-même, l'être sans concessions, ou aussi peut-être pour se découvrir et devenir alors vraiment qui l'on est.
Le pire ennemi du courage semble se terrer au creux de notre tête, dans notre capacité à fantasmer et à anticiper. J'ose croire que cela n'est pas une fatalité car qui n'a pas déjà agit courageusement à l'occasion d'une situation délicate n'ayant pas eu le temps de trop réfléchir?
" Le courage croît en osant et la peur en hésitant"
Proverbe romain.
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